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Jean-Pierre BRUNHES



BIOGRAPHIE

Jean Pierre Brunhes est né à Clermont-Ferrand le 18 juillet 1939. À l'issue d'études secondaires, série classique, et son sursis résilié en 1959, il est appelé en Algérie durant 28 mois et devient sous-officier. Lors de cette période d'opérations militaires, et au titre des missions de Pacification, il a l'opportunité pendant quelques mois d'occuper un poste d'instituteur dans la petite école d'un douars. Dans ce cadre il écrit ses premiers poèmes. Libéré en février 1962, il devient éducateur à l'issue d'une formation de trois ans. Il obtient ensuite un Diplôme Supérieur de Travail Social en 1985. Ayant fait valoir ses droits à la retraite en 1999, jean-Pierre Brunhes se consacre depuis à la Poésie. En 2006, il devient Président du Cercle Amélie Murat.



TEXTES

COMMÉMORATIONS ÉQUIVOQUES

Ô l'étrange filliation,
Que celle des cloches baptismales,
Dont le bronze, jadis, si fervent
À servir l'éclat des carillons,
Vint à répondre ensuite à d'envahissantes menaces,
Faisant berceaux aux âmes gloutones des canons,
Et, la paix revenue,
Mais au prix d'une ultime fusion,
Alla peupler de bustes confondus, attristés,
Les cénotaphes* de guerriers
À jamais disparus dans la tourmente !

Désormais, érigé à l'écart,
Sous les tilleuls du mail communal,
Qu'est-il supposé nous dire,
L'Un de ces Champions solitaires,
Dans la pénombre du soir de fête?

«Vous Tous, qu'avez-vous fait de mon intime chair,
Après qu'elle eût à s'éprouver comme vidée
Hors de ce corps que vous m'aviez prété,
Afin que j'en refonde le Monde ?

Mais alors, bien au-delà d'être simplement aimée,
Pour ce qu'elle aurait eu à souffrir de ce dénuement même,
Cette pulpe aimante, de mes aiëux indéniable partage,
Et dont, hélas, mon orpheline progéniture ne pourra, jamais,
En seoir* quelque affectueuse dépouille,
Ira-t-elle enrichir de ses liqueurs salines
Et de sa lymphe* ambrée
Les terroirs disputés par les idéologiques patriarches
Et les pontifes d'imposture?
Eux tous, qui nous supposent, encor, être des fils ,
En nous abusant d'être nos pères!

Cette pulpe ardente est-elle réellement morte de leurs décrets,
Ou bien, s'est-elle asséchée de leurs raisons?

Car, pour tuer, leurs machines n'exigeaient point, tant,
D' être de guerre,
Et moi, je ne sais,
Pas même, où
Avaient pu s'en dérouler leurs véritables combats,
Et si, même, leur haine,
Sans cesse,
Peut-être,
M'immolerait encor,
Ou bien, seul, encor,
Le cruel anonymat de leur indifférence!»

cénotaphe: Tombeau vide élevé à la mémoire d'un mort, généralement illustre ou représentatif, qui a été enterré ailleurs ou qui n'a pas reçu de sépulture.
Seoir: emploi intransitif: Tenir séance, siéger.
Lymphe: L'une des quatre humeurs de la médecine ancienne.



HYMNE À LA VIE

Ô Jeunesses friponnes, jouez, je vous en prie,
Du désespoir des giboulées!
Accordez-moi de vous laisser comme oiseaux fous
A vos bécots, à vos becquées!

Pourtant, combien ais-je de fois, sous ma peau,
En mon sang éprouvé des printemps les hymens récurrents, saisonniers,
Où l'inertie même de la terre et de ses roches
Exalte ses alliances aux verdeurs animales,
Aux végétaux désirs !

Accordez-moi d'éprouver cette tiédeur
Pour la physique des Astres et le prurit* charnel des stolons!*

Je voudrais qu'avec moi, un instant, vous en délaissiez l'immanence,
Et qu'un instant, ensemble, nous en vivions les métaphores!
Afin que le Printemps ne nous soit plus qu'image de renouveau,
Que de sa renaissance nous en pénétrions l'Esprit,
Que la sublimation de son symbole nous en devienne
L'aurore de la Résurrection!

Je vous donnerais d'apprécier d'autres moelles,
Et de vibrer à d'Autres Chants!

Aussi, de l'inertie des choses, je promulgue, en ce jour, Le Printemps,
Lors que, soudain, d'un bimbelot au grenier depuis longtemps proscrit,
À nouveau, je m'entiche, au point d'en soumettre le retour en grâce
Aux critères d'un boudoir, aux arrêts d'un salon!

Ainsi, il peut en être de ce si beau camion,
Jouet de bois si caressant,
Dont, assurément, se guérissaient mes angines,
Et où ma main, lors bien autrement fébrile,
Se surprend d'être devenue pataude!

D'une mouvance aussi, car les choses la croient les abonder de vie!
Ô ensorcelés ruisseaux de nos périples halieutiques,*
Dont, soudain, les ondes vertes et qu'argentent les truites,
Paraissaient s'évanouir, à jamais, en quelques insoupçonnées failles,
Combien nous avions lieu de pardonner vos sortilèges,
Lors qu'à mille pas de là, confondus de la paisible accrue de votre résurgence,
Nous y plongions nos corps brûlants et las,
Afin qu'ils calmissent* et que nos âmes inquiètes
S'ouvrent, alors, enthousiastes, à la montée de sèves de nos nouveaux affûts!
Enfin, de leur repos, parfois si lointainement requis en leurs sépulcres,
Par l'onction rituelle et précieuse à l'éveil de leurs savoirs anciens!

Avez-vous vu l'étincelle en l'œil du chercheur,
Lors que le Temps resurgit de cette douce Ténèbre,
Que secrète la tombe d'un reculé dynaste?*

Dés que leurs gangues terreuses, dont il accouche,
Doucement, d'un pinceau les primes radiances,
Renaissent à la modernité d'une énième aurore,
Le docte inventeur de trésors anticipe l'émoi diffus et rare,
Qu'un étrange frisson imprime aux cuirs des plus désenchantés des hommes,
À la saisie d'une coupe lustrale, dont le Sanglier d'or évoque la componction*
Qu'ils éprouvent pour l'âpreté de leurs passions;
À la vue d'un carquois de cavalier Scythe,
Décoré d'un Grand Cerf dont la course fabuleuse,
Une fois constatée leur vacillation toute humaine,
Semonde* à une cruciale quête dans les célestes prairies!

Ce découvreur savant des opulences oubliées,
Parviendrait même à nous dire,
Si le petit pot d'onguent,
Dont on prête aux femmes ensevelies
Des usages coquets,
Fut, non plus monté d'un colombin d'argile crue,
Dont, jadis, dit-on, se fabriqua l'Homme Premier,
Mais, assurément, tournassé de mille voltes,*
Aux fins d'atteindre par l'épreuve du feu
Aux rougeoiements céramiques ;
Mais irait-il à conclure
Que le vaisseau* charmant
Pouvait, de ce fait, conférer à son baume de jouvence
Le don, encor, de lui transmettre
La brillance pérenne qu'il devait
À cet éversif* brûlement,
À cet essor, tout neuf éclot d'un si traditionnel artifice?

Irait-il à prédire que chacune des lourdes dalles,
Où trouvent à s'enclore en leurs si pieuses niches
Les fragiles dépouilles,
Un jour, dans mille ans, aurait au jour à s'élever
Dans les croisées d'une voûte altière,
Ou les ogives aérées dont s'épaule un vitrail?

Mais où réside, donc, cette printanière vigueur,
Capable, ainsi, d'épanouir vers les cimes cathèdres*
Ces superbes rosaces, jaillissantes, légères,
De ce terrestre gourd à la grossièreté pesante et minérale?

De quelle cyclique folie,
De quel éternel retour,
Notre époque, ce jour d'hui, s'empare-t-elle,
Au spectacle de ces tenaces releveurs de colonnes,
Que l'on croyait, hier encor, accablés
Au lendemain du séisme?

En quel profond terreau nourrissent-ils leur espoir
Ces nautoniers* de nuits sans lune
Pour citoyens tourmentés ?
Vers quelle aube radieuse,
Par delà éboulis et torrents,
Au delà des cols enneigés,
Ces intègres passeurs de tant de ferveur traquée
Par délations des lâches et soif des cupides?

Ô sous-marins abysses des océans du Monde,
En l'obscurité de vos fournaises telluriques*
Vous sécrétez de la Vie
D'étranges et colorés principes,
Dont se nourrissent, sans cesse, nos audaces d'y croire!

Calmissent: Emploi intransitif: Devenir calme.
Cathèdres: Chaise gothique munie d'un haut dossier.
Componction: Attitude de regret, d'humilité, de recueillement qui peut être affectée et ostentatoire.
Dynaste: Dans l'Antiquité, souverain dirigeant un petit pays ou gouvernant sous la protection d'une grande puissance.
Éversif: Qui renverse, qui bouleverse.
Halieutiques: Qui concerne la pêche, notamment la pêche en mer.
Nautoniers: Personne qui conduit une barque.
Prurit: Sensation de démangeaison cutanée.
Semonde: de Semondre: Inviter, convier à quelque cérémonie, à quelque acte public.
Stolons: Tige secondaire de certaines plantes, qui court à la surface du sol et s'enracine de place en place pour produire de nouveaux pieds par marcottage naturel. Synon. coulant, gourmand.
Telluriques: Qui a rapport à la terre, au sol, Qui est relatif à la terre, provient de la terre.
Vaisseau: Vase, récipient.
Voltes: Mouvement circulaire ou semi-circulaire effectué vivement par une personne, par un animal.



J'apprécie à l'aube
les vendanges de la nuit

Le chaos est à la ruine
comme un vers
au fruit de la discorde
Lieu de la contestation
Et de la promesse.

J'aime les chevaux
Quand leurs cavaliers disparaissent

Je lui dégrafais le col
Lui étreignais les mains
C'était la fin du voyage

Ces dômes d'or
dans la splendeur d'un couchant
célèbrent-ils
L'aveuglement des taupes?

Tu m'écrases
Mais que sais-tu de la bulle d'air?



MEMBRES