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TEXTES D'AMÉLIE MURAT



TRAIN NOCTURNE


Nuit d'été, qui profonde, exquise et favorable,
Donne l'étoile à l'ombre et la rosée au sable,
Mais dont l'attrait voluptueux n'importe plus...
Nuit où les cœurs brûlants et tristes sont élus
Pour les grandes douleurs, serves des grandes causes;
Nuit où dans les maisons désespérément closes,
Les lèvres des époux, qui sentent se briser
La coupe confiante et chaude du baiser,
Boivent son dernier flot troublé d'un goût de larmes;
Nuit où la douce lampe accuse un reflet d'armes,
Où l'on pose un képi près d'un berceau d'enfant...
Où quand, pour rafraîchir un peu l'air étouffant,
Sur le sombre infini la fenêtre est ouverte,
On perçoit tout à coup, comme un signal d'alerte,
La marche haletante et rapide d'un train
Qui porte des drapeaux, de la chair, de l'airain,
Tout le trésor secret d'un matin de bataille,
Blesse l'obscurité d'une invincible entaille,
Et va, sans ralentir sa course et son effort,
Héroïque et sinistre, en hurlant à la mort!

Extrait de Humblement sur l'autel



TEXTES AMÉLIE MURAT