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TEXTES D'AMÉLIE MURAT



GLAS


Quatre coups pour un homme et trois pour une femme
Par trois coups détachés, la cloche au loin proclame
Qu'une femme de la paroisse a rendu l'âme

Une mère qui laisse en peine des petits ?
Une enfantine sainte aux yeux de paradis ?
Une amoureuse aux péchés mal repentis ?

Une fille vieillie et que nul ne regrette
Hors son chat dont le long miaulis ne s'arrête ?
Cloche, sur son destin, ta mémoire est muette.

Celle qu'on va bientôt installer chez les morts
S'est-elle cramponnée âprement à son corps ?
Ou livrée, épargnant d'inutiles efforts ?

Connut-elle cette endormie aux mains trop blanches
La peur de s'éveiller entre les quatre planches ?
L'effroi de Dieu dont elle oublia les dimanches ?

Sous les cierges gardés d'anciennes chandeleurs,
Est-elle encor jolie en un semis de fleurs ?
Ou défaite... pénible aux souffle des veilleurs ?

-Si je meurs dans mon fief, cloche exacte entre toutes,
Tu compteras pour moi tes trois sons, tes trois gouttes
De prière, qui passeront jardins et routes...

Lors, écoutant le glas en sa chambre introduit,
Une malade au creux visage, au corps détruit,
Rêvera tout ainsi que je rêve aujourd'hui :

« Quatre coups pour un homme et trois pour une femme
Par trois coups détachés, la cloche au loin proclame
Qu'une femme de la paroisse a rendu l'âme... »

(Extrait de Poésie c'est délivrance)



TEXTES AMÉLIE MURAT